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« Réforme de la procédure de la sécurité sociale et de l’aide sociale : Qui trop embrasse mal étreint »

« Réforme de la procédure de la sécurité sociale et de l’aide sociale : Qui trop embrasse mal étreint »

Publié le : 07/12/2018 07 décembre déc. 12 2018
Source : www.lexavoue.com
De nature hybride, empruntant à la fois aux règles de la procédure écrite et orale, le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale a été publié et entrera en vigueur le 1er janvier 2019.
 
Alors que parmi les rapports des cinq chantiers de la Justice remis au garde des Sceaux le 15 janvier 2018, le rapport Agostini-Molfessis Amélioration et simplification de la procédure civile plaidait pour dépasser le traditionnel clivage entre procédure écrite et orale, il faut admettre que le décret du 29 octobre 2018 passe à côté du but assigné.
 
Oubliées les résolutions visant à instaurer une procédure unifiée dans laquelle coexisterait une phase écrite et une phase orale, cette dernière seule n’étant pas obligatoire (Proposition 16) mais aussi l’extension progressive de la représentation obligatoire par avocat (Proposition 22).
 
Avec ce décret, les procédures devant le tribunal de grande instance et la cour d’appel se mèneront sans représentation obligatoire, mais avec une pincée d’exigences de la procédure écrite.
 
C’est ainsi que des Cours d’appel spécialement désignées (L 311-15 du Code de l’organisation judiciaire) auront à connaître des recours des jugements de Tribunaux de grande instance là encore spécialement désignés (L 211-16 du Code de l’organisation judiciaire) pour le contentieux général et technique de la sécurité sociale et celui de l’aide sociale relevant du juge judiciaire, hors tarification de l’assurance des accidents du travail dont les recours des décisions des Caisses d’assurance retraite et santé au travail (CARSAT) ou des Caisses de mutualité sociale agricole seront exercés devant la Cour d’appel d’Amiens, en premier et dernier ressort.
 
La procédure relative au contentieux général et technique de la sécurité sociale et celui de l’aide sociale devant le Tribunal de grande instance, dont la composition sera échevinale, est définie aux articles R 142-10-1 à R 142-10-8 du Code de la sécurité sociale, l’article R 142-10-4 précisant notamment que « La procédure est orale » mais aussi qu’ « Il peut être fait application du second alinéa de l'article 446-1 du code de procédure civile. Dans ce cas, les parties communiquent par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès du tribunal dans les délais impartis par le président ».
 
Celle devant la Cour d’appel s’illustre par les seuls articles R 142-11 et R 142-12 du Code de la sécurité sociale et le moins que l’on puisse dire est que la concision est de mise puisque ces deux articles disposent respectivement, et seulement, que « La procédure d'appel est sans représentation obligatoire » et que « Les décisions de la cour sont notifiées aux parties par le greffe ».
 
Ainsi, par dérogation aux règles habituelles que connaissent les avocats devant le Tribunal de grande instance, ou devant la Cour d’appel sur appel des décisions du Conseil de prud’hommes depuis août 2016, la représentation par avocat ne sera pas obligatoire et la procédure sera orale.
 
C’est la procédure sans représentation obligatoire devant les Cours d’appel spécialement désignées qui s’appliquera conformément aux articles 931 et suivants du Code de procédure civile.
 
La déclaration d’appel se fera donc bien par pli recommandé au greffe de la Cour (article 932 CPC), sans omettre toutefois de préciser à peine de nullité, comme pour les appels avec représentation obligatoire, les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible conformément à l’article 933 issu du décret n°2017-891 du 6 mai 2017.
 
Quant au contentieux de la tarification, la procédure devant la Cour d’Amiens sera spécifique : assignation à une audience préalablement indiquée par le premier président ou son délégué, avec copie de la décision attaquée (R 142-13-1), assignation à jour fixe et, à peine de caducité du recours relevée d’office, remise au Greffe de l’assignation avant la date d’audience. On retrouve-là la sanction prévue à l’article 922 du Code de procédure civile dans les procédures à jour fixe en représentation obligatoire.
 
L’article R 142-13-3 précise aussi que « Lorsqu'une instruction est nécessaire, il est procédé selon les dispositions relatives à la procédure orale. Les dispositions de l'article R. 142-10-5 sont applicables. Le premier président ou son délégué fixe les délais dans lesquels les parties à l'instance se communiquent leurs observations écrites et en remettent copie au greffe de la cour ».
 
On emprunte cette fois à la fois à la représentation obligatoire devant le Tribunal de grande instance puisque la mise en état assurée par le premier président ou son délégué relèvera de la procédure des articles 763 à 781 du Code de procédure civile, c'est-à-dire de l’instruction devant le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance, mais aussi aux dispositions propres à la procédure orale puisqu’il pourra être fait application des dispositions du second alinéa de l'article 446-1 du code de procédure civile qui dispose que « Lorsqu'une disposition particulière le prévoit, les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l'audience. Le jugement rendu dans ces conditions est contradictoire. Néanmoins, le juge a toujours la faculté d'ordonner que les parties se présentent devant lui ».
 
Ainsi, comme souvent, à ne pas vouloir trancher, à ne pas clairement affirmer la prévalence de la procédure écrite sur la procédure orale, à vouloir ménager à tout prix les intérêts en présence, la réforme du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale rate en partie son objectif avec ce nouveau décret qui laissera les avocats sur leur fin.
 
Pire, c’est cette ambivalence qui est le plus souvent source d’insécurité juridique à l’instar des (trop) nombreux arrêts de la Cour de cassation qui sanctionnent invariablement d’une irrecevabilité, dans les procédures orales, l’utilisation du RPVA par les avocats, tantôt possible, tantôt non, à la seule faveur d’arrêtés techniques fantômes ou bien réels… et la plupart du temps ignorés de tous.
 
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